Journaliste et écrivain, Florian Le Roy (1901-1959) a publié de nombreux ouvrages sur la Bretagne. En 1950, il a publié Tro Breiz, le Pèlerinage aux Sept Saints de Bretagne. En s'appuyant sur les travaux Julien Trévédy et Louis Le Guennec, Florian Le Roy a été le premier à proposer un véritable itinéraire du Tro Breiz. Nous publions ci-dessous un extrait.
LES SEPT SAINTS DE BRETAGNE
LES chrétiens du moyen âge ne trouvaient aucune manifestation de piété assez chaleureuse et assez difficile, dans leur souci d'éviter le retour des fléaux qui les avaient accablés: les pirates du Nord, les terreurs de l'an mille, les pestes, les échauffourées féodales. Si brève que fût la vie humaine, ils prenaient des mois et des années pour accomplir de pieuses performances, des pèlerinages excessifs, quasi fabuleux. Il y avait eu, avant, les Croisades, les saints voyages de Jérusalem, et les chemins pour aller aux lointains déserts d'Egypte; il y eut Saint-Jacques-de-Compostelle, et ces hordes paroissiales qui se guidaient sur la voie lactée après avoir élu un roi, leur chef de route.
En Bretagne, on se contenta de faire le tour de la patrie, le TroBreiz: une émouvante dévotion qui, en même temps qu'un hommage aux premiers pontifes, « les organisateurs de la nation », comme les a appelés A. de la Borderie, constituait l'arpentage symbolique d'un duché, si fier de son particularisme. Les routes qui, coupant au plus court, reliaient entre eux les sept évêchés d'âme celtique sonnaient encore sous les pas des errants. C'étaient les anciennes voies romaines larges comme les colonnes par quatre des légions du Bas-Empire, et leurs convois d'impedimenta.
Pour raccorder ces artères rectilignes, on traça d'autres chemins aussi vastes, aussi aisés, autour desquels s'est resserré, peu à peu, sans les absorber, le cadastre des terres cultivables. Dans la vicinalité rurale, ces routes surprennent encore aujourd'hui par leur ampleur, si la chaussée elle-même se réduit à l'écout ement des roues d'une charrette. Les accotements herbus gagnent, démesurés, mais on s'y sent toujours sur une route de grand destin. Il fallait de l'espace à la foi unanime, à l'orgueil historique qui empruntait cet itinéraire. Le soleil, en se levant ou en se couchant, montait ou descendait dans l'axe de l'étrange avenue. Il fixait l'heure des étapes, aux abords d'un de ces enclos perdus, où il n'y a plus que le temps à stationner et où la vie de tous les jours tourne le dos à une vieille chapelle en ruines.
Des ruines d'une telle valeur artistique qu'elles forcent l'admiraration. Une littérature a fait de la Bretagne la terre la plus miséreuse d'Occident. Et voici qu'on y rencontre les sanctuaires les plus soigneu- 1 sement élaborés, les plus délicats, sinon les plus riches. A la fin du moyen âge, un véritable concours d'architecture religieuse opposa les paroisses des sept évêchés, et l'on imagine avec queUe fièvre de curiosité les pèlerins se lançaient à la découverte. On ne pouvait résister au désir d'aller mesurer ce que les « thésauriers et hommes de labour », comme ils signaient parfois, les conseillers paroissiaux et les fabriciens des autres évêchés, avaient, à force d'ambition et de foi, réussi dans leur coin.
Le Tro-Breiz, randonnée mystique, peut donc nous apparaître, dans un miraculeux oubli du temps, comme une récapitulation de l'hagiographie, de l'histoire, de la géographie et même de l'art si fécond de « la vieille duché », puisqu'il nous reporte vers un passé qui a laissé de sa grandem, malgré le ravage des siècles, une si émouvante expression.
La Bretagne, péninsule articulée, n'est définie géographiquement, dans l'est, à sa jonction avec le continent, ni par des montagnes, ni par des fleuves, ni par une ligne de partage des eaux. La géologie ne lui assure pas de caractères en opposition avec ceux des pays voisins, Normandie, Bas-Maine, Anjou, et Poitou. Elle sera une nation de formation historique, et c'est l'histoire qui donne du coeur, qui gonfle le coeur de cette ferveur lyrique sans laquelle il n'y a pas de patriotisme. La Bretagne est née d'une poignante et merveilleuse aventure, dont les moines qui la consignèrent, en leur latin d'église, n'ont pas affaibli la saveur de sang, de larmes et d'embruns. Les Bretons, dans leur île, avaient été attaqués par les tribus pillardes du Nord, les Pictes et les Scots, submergés par les invasions saxonnes, acculés, comme dans une impasse, aux côtes de l'Ouest et du Sud-Ouest, Galles, Cornwall et Devon. Ils s'éliminèrent et, par convois d'exil, passèrent la mer bretonne, la Manche, pour s'établir en Armorique, dont les Barbares, après l'avoir saccagée et brûlée, avaient fait, selon Procope, « la partie la plus déserte de la Gaule ».
L'exode devait durer deux cents ans, de la seconde moitié du
Ve siècle aux débuts du VIIe. Si les clans étaient dirigés par leurs chefs héréditaires, le monachisme celtique fut de la traversée. Des moines, si curieusement tonsurés d'une oreille à l'autre, sur le devant de la tête, et qui avaient eu à subir les sévices de ces barbares que Patrick appellera les « Compatriotes du Diable ». Sur une terre, où les Bretons, désespérant du sort de leur patrie, viennent chercher un asile où subsister en toute indépendance, ces moines vont affermir le christianisme et la civilisation. Dans la solitude et le recueillement, ils prêcheront surtout par l'exemple, l'élévation de l'âme, le souci de la culture intellectuelle et l'acharnement au labeur.
Les Bretons ne s'installèrent pas toujours au hasard, chacun choisissant son coin de guéret. Groupés, ils reconstituèrent de véritables petits États, comme ces Domnonii du Devon et du Cornwall qui, se répartissant sur le littoral nord de l'Armorique, leur Létavie, entre le Gouët et la Rance, nous ont laissé ces patronymes et toponymes si familiers encore entre Plymouth et Truro. La légende complète l'histoire qui, jusqu'à la Réforme, continuera de mélanger le cadastre et l'état civil des deux pays, entretenant des parentés si émouvantes entre les deux Bretagnes.
Mais ce sont les zélateurs de la foi chrétienne, chez ces Bretons transplantés, qui donnent les preuves les plus certaines de la consanguinité, de la filiation. Bretons d'outre-Manche et Bretons d'Armorique, nous disposons en commun d'une merveilleuse légende dorée.
Le paradis doit être peuplé de saints bretons. Pas une ville, pas un bourg, pas un hameau, pas une fontaine, pas une pierre qui ne porte le nom d'un de ces curieux personnages dont la piété bretonne peuple ses Toussaints.
Une multitude de lieux sacrés éparpille à tous les vents de la presqu'île les noms rudes, amusants, touchants de ces saints que le bon peuple de Bretagne, en mémoire des temps anxieux où les ancêtres les considéraient comme leurs chefs spirituels, a canonisés de sa propre autorité. On leur a dédié des paroisses, des sanctuaires hissés sur des tertres ou tapis à un tournant de vallée; ils ont gardé une renommée de thaumaturge, mais les hagiographes romains ont répugné à l'effort de faire de la philologie avec les noms de nos saints. Ceux-ci n'ont jamais été officiellement portés sur les autels, même pas les plus grands, les plus célèbres, même pas ces sept évêques qui, par une dévotion comme le Tro-Breiz, aidaient un peuple, déplacé par les hasards de l'histoire, à fixer ses origines.
On a pu affirmer de la France féodale qu'elle a été faite par les évêques.
Mais que dire du rôle que jouèrent dans la nouvelle Bretagne les missionnaires sortis des monastères gallois?
On doit, pourtant, à travers la légende ou la tradition, les considérer comme des réfractaires à la loi du groupe, des affamés de solitude, si l'on ne peut douter qu'ils payèrent d'exemple en défrichant, sous les yeux des Bretons immigrés, la sylve retournée au sauvage, et en fertilisant la brousse. Partout, sur une nature monstrueusement revirginisée par la dévastation, l'incendie, le dépeuplement, ils ont fait sourdre des sources, s'aligner des moissons, bourdonner des abeilles. Mais avaient-ils cru trouver, au fond des forêts, en faisant bon ménage avec les fauves, la paix dont la lecture des Pères du désert leur avait donné la nostalgie?
Bientôt, à n'importe quelle heure, ils vont entendre marcher sous le couvert, gratter à la porte de leur hutte.
Des inquiets, qui demandent leur chemin, toujours le même: « le chemin de la paix de Dieu ». En bougonnant, peut-être, l'ermite s'improvisera hôte. Et la cabane du solitaire devient caravansérail; l'anachorète, au sein de ses halliers, doit organiser un cantonnement cénobitique et se préoccuper des besoins spirituels de la tribu égaillée aux environs.
Car il y a toute cette humanité, baptisée ou non, avec laquelle un misanthrope qui a reçu le sacrement de l'Ordre ne peut rompre pour jamais. Peu à peu, on le considérera lui-même comme un fauve apprivoisé. On viendra vers. lui, les bras chargés d'offrandes, comme on va encore vers le rebouteux, la somnambule, ces thaumaturges un peu sorciers, mais de qui on attend un soulagement, pour le corps autant que pour l'âme. Ne l'a-t-on pas vu feuilleter des grimoires, marmonner au long de ses randonnées fantastiques?
Et on ne peut nier auj ourd'hui le caractère national de l' oeuvre des anachorètes et des cénobites bretons. Non seulement, ils ont donné à leurs frères dépaysés le courage de se refaire un destin dans la broussaille et la pauvreté, en colonisant, en pourvoyant à la subsistance de tarit de groupes épars dans une nature hostile. Ils ont encore aidé à maintenir le sens de la race en ces lieux qui méritaient bien de garder leurs noms. En catéchisant les quelques familles gallo· romaines qui, ici ou là, sacrifiaient encore aux faux dieux, en réglant la vie religieuse, avec son Ordo et ses offices en commun, ils ont préludé à l'organisation sociale de la nouvelle Bretagne, à la reconstitution des clans et de la patrie. Là où un de ces pieux personnages a laissé son nom à un bourg ou à un hameau, ne devons-nous pas penser qu'il aida à asseoir une agglomération? La paroisse se fonda, puis le diocèse. C'est toute une société qui se reforme, et une société qui parle la même langue autour des îlots où ont accepté de durer des éléments romanisés. Ce que les Romains n'avaient pu faire avec leurs établissements trop dispersés, la vie religieuse, en Petite-Bretagne, avec ses Lann, avec ses Plou, va y parvenir très vite: les émigrés, grâce aux moines dont ils font leurs chefs spirituels, car la notion de paroisse ne s'imposera que plus tard, gardent ou acquièrent le sens de la nation.
C'est un véritable tribut de reconnaissance que rendaient donc les pèlerins du Tro-Breiz aux fondateurs de leurs diocèses, et d'une manière qui ne pouvait qu'être agréable à ces nomades de l'apostolat. Les grands mouvements du monde celtique, les errances d'Artur et de ses compagnons, la Quête chevaleresque du Graal et leurs équipées galantes, allaient meubler la littérature européenne d'une exaltante poésie; les moines d'odgine insulaire se sont toujours signalés, eux aussi, par leur goût du voyage, du vagabondage. Au milieu de la désorganisation du monde romain et des invasions barbares, ils n'hésitent pas à franchir des distances énormes, et les conciles, souventes fois, devront intervenir pour réprimer, chez les clercs bretons, cette bougeotte invétérée.
Mais à quel moment les descendants des immigrés du VIe siècle prirent-ils l'habitude d'aller, de cathédrale en cathédrale, visiter les tombeaux de leurs pontifes?
Dans son Histoire de Bretagne, publiée en 1707, dom Lobineau, le savant bénédictin, notait, par hasard, et à l'occasion de la rougeole du duc Jean V, en 1419 : « Ce voïage (le voyage des Sept-Saints) estoit une dévotion si en usage autrefois, qu'il y avoit un chemin tout au travers de la Bretagne, fait esprez, que l'on appeloit pour ce sujet le Chemin des Sept-Saints, dont on voit encore des restes au prieuré de Saint-Georges, près de Dinan. »
Et, sans insister, l'historien énumère les sept saints qu'il croit avoir identifiés, remplaçant saint Patern et saint Brieuc par saint Méen et saint Judicaël, et ajoutant négbgemment : « Ou bien c'estoient les frères et les neveux de saint Judicaël. » Mais, son texte imprimé, il cède au scrupule et demande des éclaircissements à l'ex-provincial des Récollets, retiré au monastère de Cuburien près Morlaix. Il profitera des assurances de celui-ci pour rectifier, dans sa préface, le passage relatif au pèlerinage des Sept-Saints, « si usité, qu'il y avoit mesme un chemin pavé destiné tout esprez, appelé pour cela le chemin des Sept-Saints, dont j'ay veu des vestiges aux environs de Dinan ». Pour la liste, il est formel, cette fois: « Les Sept-Saints sont Samson, Malo, Brieuc, Tugdual, Paul Aurélien, Corentin et Patern. »
Si les personnages cités sont bien, respectivement, les fondateurs, réels ou présumés, des sept évêchés de Dol, Saint-Malo, Saint-Brieuc, Tréguier, Saint-Pol-de-Léon, Quimper et Vannes, ces sept évêchés ne représentent pas, eux, toute la Bretagne, mais la province ecclésiastique de Dol telle que Nominoë, au IXe siècle, la constitua.
La Bretagne, en effet, compte neuf évêchés. Pourquoi une dévotion aussi spécifiquement régionale que le pèlerinage des Sept-Saints négligeait-elle les diocèses de Rennes et de Nantes?
Parce qu'il s'agissait là d'évêchés purement gallo-romains. La conquête romaine, incorporant les cinq peuplades armoricaines dans la Troisième Lyonnaise, les N amnètes, les V enètes, les Osismes, les Curiosolites et les Rhedones, s'était contentée d'en faire des civitates en leur laissant leurs capitales, Port us Namnetum ou Condivicnum, Darioritum, Vorganium ou Vorgium, Fanum Martis et Condate, devenues respectivement Nantes, Vannes, Carhaix, Corseul et Rennes. Dès le milieu du IVe siècle, chacun des chefs-lieux des cités gallo-romaines fut nanti d'un siège épiscopal. Le concile de Chalcédoine, en 451, fera valoir l'avantage de cette disposition, mais nos diocèses armoricains ne correspondirent pas alors avec les divisions civiles. On sait que les sièges de Nantes, Rennes et Vannes étaient pourvus au ve siècle. On n'a jamais, par contre, fait mention d'évêchés à Carhaix, ni à Corseul. Nantes, Rennes et, partiellement, Vannes avaient, seuls, gardé les limites des cités qui les avaient précédés, et ces évêchés ne seront que tardivement occupés par les émigrés bretons. E-ntre le IVe et le ve siècle, la péninsule armoricaine avait été, d'autre part, dévastée par les pirates. Que resta-t-il alors de Vorgium et de Fanum Martis? Les Osismes durent abandonner l'actuelle Carhaix pour créer deux capitales nouvelles, la Civitas Aquilonia, près de laquelle s'élèvera Quimper, et Osismes, le futur Saint-Pol-de-Léon; les Curiosolites, eux, transportèrent leur chef-lieu militaire, et sans doute religieux, dans le castrum d'Aleth, l'actuel Saint-Servan.
Lorsque Nominoë eut décidé non seulement d'assurer l'unité du peuple breton en lui assignant des lois et des frontières, mais de lui donner, avec la conscience de sa valeur et de ses possibilités, une âme nationale, il ~'employa à réorganiser l'église de la nouvelle principauté. Et il ne s'embarrassa pas de scrupules pour la soustraire à l'obédience de l'archevêché de Tours, dont les suffragants, en Bretagne (Félix, évêque de Quimper, Liberalis, de Léon, Susannus, de Vannes, et Salacon, de Dol), étaient de purs Francs, qu'il lui fut aisé de convaincre de simonie, et, en même temps qu'il transformait en diocèses la zone d'influence des évêques régionnaires de Domnonée, les abbé8 des monastères de Saint-Brieuc, de Tréguier et, sans doute, d'Aleth, il érigeait en métropole l'évêché de Dol.
Rennes et Nantes, il ne les conquit qu'un peu plus tard, avant sa mort, survenue en 851, et lorsque les Bretons, symboliquement, voulurent remettre leurs pas dans les pas de leurs saints, le domaine à parcourir ne pouvait dans leur esprit que se confondre avec le territoire organisé par Nominoë, le père de la patrie!
En outre, un culte populaire s'étant institué dans toutes les églises qui possédaient le tombeau d'un saint fondateur, ne faut-il pas croire que Dol, promu métropole, devint le but d'un pèlerinage, non plus seulement diocésain, mais provincial, et analogue à celui qui portait toute une région vers le tombeau de saint Martin, à Tours? Un culte collectif s'établissant en l'honneur du fondateur de Dol et des fondateurs des évêchés suffragants de Dol, on ne pensa pas à élever, en un lieu quelconque de Bretagne, une église pompeuse sous le vocable des Sept-Saints, mais à relier d'un cheminement de prières les sept cathédrales.
Vinrent les invasions normandes, devant lesquelles, chargés des reliques de leurs saints, s'enfuient les moines bretons. Ils passent la Loire, ils passent la Seine, pendant que les sanctuaires flambent, s'écroulent et fument.
Mais si des monastères français ont donné asile aux trésors sacrés des Bretons, ils refuseront systématiquement, la paix revenue, de les restituer. Ne se livra-t-on pas, en Bretagne, à des manifestations contre cet abus de confiance, n'organisa-t-on -pas des cérémonies qui présentaient tous les caractères d'une revendication publique entre les cathédrales aux reliquaires vidés? Et dans les terreurs de l'an mille, pour multiplier les pèlerinages de pénitence, les pratiques propitiatoires, n'eut-on pas tout naturellement recours aux protecteurs de la race?
Dans ces périodes, le culte et le pèlerinage des Sept-Saints trouvèrent, sinon leur origine, du moins des raisons de s'amplifier. Tours s'était vivement élevé contre l'érection de Dol en métropole, et le procès traîna pendant deux siècles et demi en cour de Rome. La sentence interdisant aux prélats dolois de se targuer des prérogatives de l'archevêque fut rendue en II99 : un afflux de Bretons sur le circuit du Tro-Breiz put prendre, alors, outre le sens d'un témoignage de piété envers saint Samson, celui d'une protestation en faveur de leur métropole et d'une provocation à l'endroit de l'église tourangelle.
Mais existe-t-il des documents écrits établissant, de manière authentique, les origines et l'exercice de ce culte rendu aux Sept-Saints sous la forme d'un pèlerinage circulaire?
Bien peu. Dans un manuscrit du XIIe, Codex parisiensis, conservé à la Bibliothèque nationale, les sept évêques sont rassemblés sous la même rubrique, ce qui tendrait à reconnaître qu'ils sont l'objet d'un culte collectif: « Nomina Septem Storum (Sanctorum) Britannie Briocus Samson Machutus seu Macloveus Paternus Corentinus Paulus Tudualus. »
Le I0 avril I215, alors que le premier duc capétien de Bretagne, qui se rira des anathèmes et justifiera par son anticléricalisme le surnom de Mauclerc, assoit son pouvoir, Guillaume Le Borgne, sénéchal de Goëlo, formule dans son testament: « Aux abbayes de Bretagne et aux églises des Sept-Saints cent livres à partager entre elles. » Ne faut-il pas entendre, avec les grandes abbayes, les églises qui formaient l'ossature religieuse du duché, les sept cathédrales qui contenaient chacune la memoria, les reliques de son fondateur?
Trente-trois ans plus tard, une délibération des chanoines de Quimper nous apprend l'existence, dans la cathédrale de Saint-Corentin, d'un tronc des pèlerins, et deux siècles plus tard un acte du même chapitre spécifie qu'il s'agit du tronc destiné à recevoir les offrandes des pèlerins des Sept-Saints.
En 1256, Geffroy de la Soraye, un gentilhomme de la paroisse de Quintenic, mais qui possède des biens en Saint-Alban, près de la chapelle Saint-Jacques, située sur la voie qui conduit de Saint-Brieuc à Saint-Malo, prévoit à son tour dans ses dernières dispositions: « A chacun des Sept-Saints de Bretagne, XII deniers; à chacun de leurs sacristains (serventium), VI deniers. )} De son côté, le 1er mai 1303, Roland II de Dinan, sur le fief de qui passent les pèlerins qui vont à Saint-Malo, à Dol, à Vannes, réserve « aux Sept-Saints de Bretagne, à chacun d'eux, deux sous; à chacun des sacristains d'eux, douze deniers. »
Sept saints, sept églises, sept sacristains, sept stations de pèlerinage, autant que de cathédrales dans l'ancien archidiocèse de Dol. Pour qu'il soit fait expressément mention du pèlerinage aux Sept-Saints, il faudra cependant attendre la canonisation de saint Yves, en 1330. Trois témoins de l'enquête en parleront sans ambiguïté, en termes précis: cette femme de Lanmeur qui, faisant avec une amie le voyage aux hasiliques des Sept-Saints, marcha au même pas que saint Yves, sur la route de Kermartin, le lundi de la Pentecôte 1300; le domestique de saint Yves, Hamon Tolleflam, qui le quitta plusieurs fois pour faire le pèlerinage des Sept-Saints, il en revenait, quand il reçut le dernier soupir de son maître, et cet homme qui vit saint Yves graisser lui-même les souliers d'un pauvre, quand celui-ci lui eut dit qu'il avait entrepris le pèlerinage des Sept-Saints.
De ce que les actes de la canonisation de saint Yves constituent les premières preuves écrites du pèlerinage, faut-il conclure, comme le Père Champion, en 1683 : « Le pèlerinage fut surtout célèbre et fréquenté au temps de saint Yves »?
« Pour entrer au Paradis, il faut avoir, durant sa vie, fait son Tro-Breiz », assurait un dicton vieux comme les chemins de Bretagne.
Et quand des documents irréfutables pointent, pour une année du XIVe siècle, le passage, dans l'église Saint-Patern de Vannes, de trente mille pèlerins, soit le vingtième de la population des sept évêchés, il faut bien croire qu'un tel mouvement populaire ne naît pas spontanément, sous peine de s'éteindre aussi vite, mais qu'il s'organise, se codifie pendant des siècles, avant de connaître son plein épanouissement.
Le voyage se faisait à pied, et sur cette route circulaire qui, contrairement à ce que prétendait Dom Lobineau, n'avait pas été inaugurée par les premiers pèlerins du Tro-Breiz : pavée, certes, elle représentait tout simplement une suite de ces voies romaines qui avaient relié les grands centres ou les postes militaires, et qui sont indiquées sur la Table de Peutinger. La distance à parcourir représentait cent neuf lieues de Bretagne, et la lieue de Bretagne (« une corde contenant six-vingt pieds assise six-vingt fois ») correspondait à quatre mille huit cents mètres. Les pèlerins abattaient vingt kilomètres par jour, puisqu'ils devaient accomplir leur voyage pendant un des quatre temporaux de l'année, quinze jours avant et quinze jours après les grandes fêtes saisonnières: Pâques, Pentecôte, Saint-Michel et Noël.
A Noël, bien sûr, les intrépides, seuls, prenaient la route, mais on semblait se donner le mot pour la Saint-Michel. Après les secousses de l'équinoxe, l'arrière-saison revêt une telle douceur, en Bretagne; et puis, à la fin de septembre, les récoltes battues, engrangées ou vendues, on pouvait se donner du loisir.
On partait d'où on voulait, et dans n'importe quel sens. Il importait seulement de boucler la boucle.
Si, pendant les temporaux, les reliques des fondateurs étaient exposées dans leurs cathédrales, grandes stations du pèlerinage, des sanctuaires de moindre importance sollicitaient, sur le parcours, la dévotion des fidèles.
Au moyen âge, en Bretagne, on ne se préoccupa guère d'améliorer la viabilité. Ce ne fut même qu'à la fin de l'Ancien Régime que l'on parut prendre conscience de la précarité d'un système routier qui effarait l'étranger. On utilisa, sans les entretenir, les voies qu'avaient laissées les Romains, mais on ne manqua pas, comme on christianisait le menhir, de les marquer d'un caractère religieux. Où tombaient les bornes milliaires on jalonnait les lieues de Bretagne de ces croix qui se délitent sur l'aire étroite d'un communal ou qui s'enfoncent dans la glaise d'un talus; on égrena des oratoires, on maçonna ces fontaines près desquelles le voyageur goûtait la fraîcheur et le repos.
Beaucoup de ces chapelles, beaucoup de ces fontaines furent dédiées aux Sept-Saints parce que les pèlerins du Tro-Breiz y faisaient halte, pour souffler, manger et se délasser. On ne sera pas sans remarquer que quelques-unes de ces stations de prières, consacrées aux Sept-Saints, se trouvaient en dehors du vaste quadrilatère où s'inscrivait la route à parcourir rituellement d'évêché en évêché.
Dans la commune du Vieux-Marché; à Bulat, par-delà les collines rocheuses qui séparent Trégor et Cornouaille; à Kergrist-Neuillac, dans les landes du Vannetais; à Erdeven, sur la côte des mégalithes; à Erquy, au-dessus de la mer, sur le rebord de l'évêché de Saint-Brieuc, à Lamballe, où sept bassins luisaient près de la chapelle Saint-Melaine; aujourd'hui disparue; à Brest, où la chapelle des Sept-Saints constituait un prieuré qui dépendait de l'abbaye Saint-Mathieu.
Simplement, les pèlerins, groupés par paroisses, sinon par doyennés, et sous la conduite de quelques-uns de leurs prêtres, ne partaient pas tous d'une ville-cathédrale, mais devaient, au contraire, gagner la plus voisine de leur résidence pour commencer le pèlerinage.
Le Vieux-Marché était situé sur la voie romaine de Carhaix à Coz-Yeaudet par où on montait vers Tréguier; les sept fontaines de Bulat, contiguës dans leur douve et surmontées aujourd'hui- de -sept niches vides, bordaient la route de Vannes à Tréguier; à Erquy, la chapelle des Sept-Saints dominait la voie conduisant de Rheginea à Corseul. Chemins secondaires, chemins de raccordement, entre les paroisses rurales et le siège de l'évêché le plus proche.
Pendant la guerre de Succession, à partir de 1341, quand les routiers anglais, français, bretons, infestaient les campagnes, le pèlerinage,' des actes le prouvent, ne fut pas totalement interrompu. Du moins paraît-il plausible que la prudence ralentit la ferveur populaire.
Après, il fallut compter avec l'appauvrissement général, et la rupture des habitudes. Le cartulaire de Quimper, en 1424, indique que deux t emporaux ont été supprimés.
Au début du XVIe siècle, la substance même du pèlerinage aurait été dénaturée. On aurait modifié la liste des pontifes à honorer. Saint Corentin et saint Patern disparaissent, remplacés par saint Pierre de Nantes et saint Guillaume Pinchon, évêque canonisé de Saint-Brieuc, qui double donc la station dans l'actuel chef-lieu des Côtes-du-Nord.
Nicolas Coetanlem, de la fameuse lignée des armateurs morlaisiens et nantais, fait, le II avril 1518, dans son manoir de Ploujean, un legs aux Sept-Saints qu'il énumère ainsi: « Aux Sept-Saints de Bretagne, savoir à M. saint Pierre de Nantes, à M. saint Paul, à M.saint Tugdual, à M. saint Guillaume de Saint-Brieuc, à M. saint Samson, à M. saint Brieuc, à M. saint Malo, à chacun d'eux un écu porté et faire le tour ainsi que l'on est accoutumé par le dit testateur ou par quelque autre, au nom dudit testateur et à ses dépens. »
On peut faire jouer une confusion entre le nom latin de Pierre et celui de Patern, mais n'est-il pas plutôt permis de penser que les Nantais étaient déjà chauvins à l'époque et que le vieux marin, un peu vain de l'illustration que ses ancêtres s'étaient acquise sur les bords de la Loire, se formalisait de l'abandon dans lequel, pour une dévotion régionale, on laissait la cité des ducs? Il paraît des plus improbables que les Cornouaillais, et tous les Bretons bretonnants, eussent oublié saint Corentin et la route de Quimper pour reconnaître à l'évêché de Saint-Brieuc deux fondateurs.
Les guerres de Religion allaient bientôt interrompre, de nouveau, la pieuse pérégrination par des chemins qui n'étaient plus très sûrs. Les Anglais qui combattaient en Bretagne pendant la guerre de Succession étaient encore catholiques comme les Bretons; ils pouvaient respecter les choses saintes. Pendant les troubles de la Ligue, tous les tenants de Henri IV, Gascons, Anglais, lansquenets allemands faisaient la chasse aux papistes. Comme ils foulaient « les Saints Sacrements aux pieds», ils eussent écharpé l'homme surpris en oraison devant une croix ou une chapelle de Bretagne.
Après la décadence, la désuétude. Le pèlerinage interrompu ne reprit pas, cette fois. Et on oublie vite, en Bretagne comme partout!
Le rentier du prieuré de Locamand, en Fouesnant, tenu avec un louable scrupule, reportait, à chaque exercice, les mentions des registres précédents. En I650, le copiste calligraphiait soigneusement : « Droits seigneuriaux dus au prieuré selon qu'ils ont été extraits du rentier général... au mois d'août I492... Item, la neuvaine de tout ce qu'une personne déposera en allant le viage des Sept-Saints ». En marge: « C'est une fontaine qui jadis était fort fréquentée de pèlerinage, laquelle est au fief de Logomand, située proche Trefflédern. »
En 16S0, donc, le pèlerinage avait cessé, mais le souvenir en persistait. Sous quelle forme? Quelle idée se faisait-on de ce « jadis »? Le copiste, après les avoir écrits, avait méticuleusement raturé deux mots qui complétaient l'expression: « viage des Sept-Saints », les deux mots de Bretagne, qui donnaient de la précision au contexte.
En quoi cette indication géographique pouvait-elle gêner le copiste? Il avait sous les yeux deux rentiers, ceux de I622 et de 1492, où elle était clairement portée, puis maintenue, mais, pour lui, les Sept-Saints de Bretagne, ça ne voulait plus rien dire. De sa propre autorité, il biffe une indication qui lui paraît superflue, sinon inexplicable.
C'est qu'au XVIIe siècle, une vague de gallicanisme a envahi la Bretagne. Renan, dans ses Souvenirs d'Enfance et de Jeunesse, a dénoncé l'esprit qui fit tendre le catholicisme, après la Réforme et le Concile de Trente, à une centralisation de plus en plus étroite : « Au XVIIe siècle, dit-il, notre Bretagne française fut tout à fait conquise par les habitudes jésuitiques et le genre de piété du reste du monde. Jusque-là, la religion y avait eu un caractère absolument à part. » On va systématiquement négliger le culte des saints locaux. « Le clergé ne fait que les tolérer; s'il le pouvait, il les supprimerait. » On expurge le calendrier armoricain; par des approximations morphologiques, on substitue aux vieux patrons des paroisses des saints reconnus par Rome, et bien connus dans le reste de la France. C'est ainsi que par la grâce de Mgr Le Porc de la Porte, évêque de Saint-Brieuc, saint Renan, dans sa petite église des environs de Hillion, cédera la place à saint René; plus comiquement encore, saint Tujen deviendra saint Eugène, saint Alor, saint Éloi, et saint Ninez sera supplanté par saint Ignace. Le clergé local y met de l'empressement. Il traque les héros de la foi populaire dont les noms ont paru rébarbatifs à ces monsignore romains qui mènent si loin de Bretagne leur ramage diplomatique et musical ou aux abbés de cour qui, à Versailles, n'ont jamais entendu parler tendrement des Bas-Bretons.
A une époque où, contrairement aux apparences et à la thèse de Renan, les missionnaires jésuites, si l'on en croit le P. Boschet, biographe du P. Maunoir, voulaient faire revenir la Bretagne à son âge d'or: « Ils se racontaient les uns aux autres comment saint Corentin et six autres évêques avaient rendu chrétienne la Basse-Bretagne... », on s'empressa donc de chercher au martyrologe sept saints que l'on pût honorer ensemble, et partout où l'on avait célébré le culte collectif de ces Sept-Saints de Bretagne, invoqués dans la séquence de l'office de saint Corentin:
Septem sanctas veneremur...
Qui repleti rePleverunt
Dagmate Britanl1iam...
On trouva les sept frères, fils de sainte Symphorose, martyrisés avec leur mère à Tibur, au IIe siècle; puis les sept fils de sainte Félicité Romaine, et même, tant qu'on y était, les sept dormants d'Ephèse, dont Jacques de Voragine conta l'histoire.
Le peuple accepta d'autant plus docilement cette substitution de vocable que le martyrologe ne qualifie pas de Sept-Saints les fils de Symphorose et de Félicité, mais de « sept frères martyrs ». Les sept frères? La langue familière, en Bretagne, avait toujours appelé les sept fondateurs, ar Seiz Breur, les sept Frères.
On alla plus loin. On profita des réparations, des reconstructions, pour garnir les sept niches, vides de leurs statues, de nouveaux saints que rien n'avait jamais rapprochés, ni dans la vie ni dans la mort.
Le pèlerinage, qui avait exalté les aïeux, était entré définitivement dans la légende. De vagues notions flottaient au fond des mémoires. De génération en génération, elles se dénaturèrent, mais, dans tous les contes de veillées, aux endroits où une fontaine, une chapelle authentifient, pour les savants, le tracé du circuit sacré, on ne manque pas de donner son importance au chiffre sept.
En Kergrist-Neuillac, sur la voie de Carhaix à Rennes, la chapelle de Saint-Mérec conserve sept statues du XVe siècle, représentant nos sept évêques. On prétend dans le pays que, nourris par une biche au fond d'un bois voisin, ces sept frères devinrent évêques.
A Erdeven, il y avait un village des Sept-Saints, avec une chapelle et une fontaine des Sept-Saints, et chaque dimanche, à la grand-messe, se faisait encore récemment une quête en l'honneur des Sept-Saints. La tradition locale n'en savait pas plus que cette histoire transmise par les aïeules.
Une femme avait mis au monde sept enfants. Elle chargea une servante d'en noyer six. Fatiguée, la chambrière posa sur un rocher le crible où elle avait tassé les six enfants. Quand elle voulut se lever, elle resta comme paralysée, pendant que le tamis s'enfonçait dans la pierre et qu'une voix lui criait: « Rapporte les enfants auprès de leur frère. » Elle n'eut qu'une hâte : faire demi-tour. Le crible s'allégea, alors, par enchantement, et comme elle courait, courait vers la maison, elle trouva sur sa route le père des sept garçons qui vous mit prudemment toute sa marmaille en nourrice. Les sept garçons devinrent évêques.
Dans les campagnes de l'Oult, aux frontières septentrionales de l'évêché de Vannes, il s'agit d'une reine d'Irlande qui, en l'absence de sop mari, ordonne de noyer ses sept enfants. Le roi revient à temps pour rencontrer la femme qui portait la sinistre pannerée. Il fait élever en secret ses sept enfants qui, plus tard, intercéderont pour leur marâtre, tout en demandant à se retirer du monde. Ils passeront la mer et deviendront évêques en Bretagne.
Au pays de Dinan, on vous parlera de cette petite colonie irlandaise, sept frères et trois soeurs, qui débarqua à l'embouchure de la Rance et édifia tout le pays par ses bonnes oeuvres. Les sept frères portent, dans la tradition populaire, les noms de sept éponymes des paroisses voisines, mais ils sont sept, et ils sont frères, et ils sont représentés comme les évangélisateurs de la contrée.
Dans toutes ces fables, on retrouve le souvenir des Sept-Saints, de ces pasteurs, venus de l'autre côté de la mer, qui avaient redonné aux Bretons exilés le sens de l'entité sociale et religieuse, de l'être géographique. L'oubli n'était donc pas total. Simplement, on avait détourné l'attention de la chrétienté bretonne des sept pontifes qui incarnaient et le chiffre sept ne représente-t-il pas l'universalité dans les sciences du symbole? l'esprit national. Sur le plan religieux, comme sur le plan historique, il y avait là de l'injustice et de l'ingratitude. Qui trouve honneur à rougir de ses origines?
Grâce à une émouvante ségrégation, les sept premiers évêques de la Bretagne continentale symbolisaient tout ce que l'idée de patrie peut contenir d'épreuves subies en commun, de luttes, de souffrances, mais aussi d'orgueil, d'amour et de foi.
Les grand-routes de Bretagne, ouvertes au commerce, au tourisme, à tous les courants de la vie moderne, sont plus animées que jadis.
En marge, cependant, se développe toujours, plus mystérieux, le réseau de ces « chemins verts » dont Anatole Le Braz a si subtilement analysé le charme.
Pourquoi ne pas rouvrir cette voie bénite? Pourquoi ne pas rendre à leur destination ancienne les chemins qui guidaient la piété de nos aïeux autour de cette terre de promis sion qu'avaient aménagée sept pontifs auxquels les unissaient, par-delà le tombeau, le sang et la langue?
Pourquoi ne pas faire, au XXe siècle, d'une merveilleuse randonnée à travers une Bretagne peu connue, un voyage de découverte dans le passé religieux de notre pays?
Beaucoup d'entre nous gardent au coeur la plainte d'un des personnages de Léon Bloy: « Il n'y a qu'une tristesse, c'est de n'être pas des saints. »
Nous pouvons toujours demander aux coutumes ancestrales le secret du bonheur: bonne santé et simplicité.
Et sur le circuit délaissé du Tro-Breiz, nous relèverons les traces d'une tradition qui donna à des millions d'hommes, en même temps que des raisons de vivre, l'espoir de durer. Les épaves des siècles, les villages et les villes qui luisent au soleil d'aujourd'hui comme à la lumière du souvenir enchantent cette mémoire de l'homme qui embellit l'histoire. Quand on marche bon pas, seul avec son âme, quand on se laisse porter par sa ferveur, tous les éléments de l'univers s'harmonisent à la clarté du jour que nous donne Dieu, et procurent à l'être cet équilibre, cet accord de la chair et de l'esprit qui assurent l'énergie. Notre coeur et notre intelligence s'épanouiront comme dans ces temps d'aurore et d'allégresse où la destinée de nos ancêtres prenait sa mesure. Des lieux inspirés, une joie chrétienne, une fatigue spiritualisée, de quoi mettre une poésie sur notre misère et une force d'éternité dans notre chair attristée.
Retournons vers les génies protecteurs de notre histoire et de notre berceau. Allons faire moisson de vérité humaine et d'amour sur l'héritage terrestre que Dieu et ses saints nous ont réservé.
En rejalonnant l'itinéraire du Tro-Breiz, ces chemins du rêve, en en refaisant les chemins de la fidélité religieuse, nous serons transportés, sans nous en apercevoir, dans un climat de sainteté, bien loin d'un monde malheureux et divisé, où l'on veut faire régner la haine, la laideur et la lésine de l'âme.
Contact : Y. Autret - Email: yvon.autret@tro.bzh